Pour une raison que j’ignore complètement

Pour une raison que j’ignore complètement
j’ai tout à coup désiré écrire une fable mêlant érotisme et
surnaturel. Que dire de plus ? Tout ce que je sais c’est
que j’ai eu beaucoup de plaisir à l’écrire…

Et qu’il est par conséquent possible qu’il existe
des personnes qui trouveront quelque contentement à le lire

Le Jeu des billes de verre

 La littérature érotique a ceci de commun avec le sexe : c’est d’être une fantaisie.

Ce petit livre n’a d’autre but que de poursuivre cette tradition. Chaque époque a ses mœurs. Celle d’aujourd’hui a ceci de particulier : le sexe gratuit et anonyme via Internet…

 Devenu produit de consommation comme un autre.

La sexualité dont il est question ici est celle de la génération précédente : du temps où le qualitatif primait sur le quantitatif. Où le but n’était moins de jouir comme des bêtes que de rechercher une aventure palpitante.

Racontée du point de vue de femmes qui « ont vu du pays » (comme on dit dans la Légion) et ont fini par « se ranger des balais » (comme on cause au service propreté de la ville de Paris). Aucune ne cherche comme leurs mères qui ont connu la libération sexuelle des années 1970’s – à défier la morale ou à braver les conventions… Mais à jouer avec !

Si elles sont mariées ou en concubinage c’est par compromis et pour pouvoir souffler !

C’est qu’elles ont dû ramer dur pour trouver chaussure à leur pied : les qualités et les caprices que l’on trouve adorables chez un amant de cœur ne sauraient satisfaire les besoins de la vie domestique. Si elles ne cherchent pas à rompre avec leur « régulier » (surtout pas !) c’est qu’elles ont compris que la durée est une valeur sûre.

Pas question ici de s’affranchir d’un conjoint… Compagnon idéal peint sous les traits ce celui qui-ne-veut-pas-savoir ou fataliste. D’un tempérament débonnaire les rares fois où il se mêle des affaires de sa compagne… c’est pour l’exhorter à ne pas dépasser certaines limites et la protéger contre elle-même.

Cette dernière s’en tire alors en jouant les ingénues ou par une pirouette verbale : ça m’apprendra à « rendre service ! »

 Pas question d’inverser les rôles ou de jouer les aventurières comme la chèvre de Monsieur Seguin. Dans les rares occasions où l’énamouré essaie de s’approprier l’objet de son désir la réaction de l’intéressée est immédiate : retour direct au bercail !

 Éros et les valeurs pratiques font bon ménage.

 La leçon à tirer est assez éloignée de la dure réalité du sexe : les sourires et les plaisirs pour l’amant / pour le mari les devoirs et la soupe à la grimace. Ici pour l’officiel c’est tout bénef ! Libéré dans un premier temps des corvées charnelles… il finit par être émoustillé par les exploits de sa régulière et retrouve sa libido !

 Perdue pour cause de monotonie et de damnation conjugale.

 Pour comprendre les tenants et les aboutissants pas besoin de faire appel au Docteur Freud… Tout ce bazar découle directement de fonctions naturelles : respirer / s’alimenter / déféquer / forniquer.

un être humain ça se résume…

Ill. Florence : Santa Maria Novella (Sainte Marie la Nouvelle)

Le Jeu des billes de verre est (aussi) un hommage appuyé au Décaméron de Boccace. Œuvre fondatrice de la littérature européenne.

1348 : des jeunes gens qui se sont retrouvés à Sainte Marie la Nouvelle fuient la ville de Florence ravagée par la peste et se rendent dans un lieu « situé sur une montagnette, de tous côtés à l’écart des routes ». Pour tuer le temps ils improvisent une sorte de concours d’éloquence. Fonction d’un thème déterminé à l’avance par un d’entre eux désigné « roi ou reine du jour ».

Quand on fait le bilan tous ont rapport à la libido :

Jour « où l’on parle des tours que les femmes jouent aux hommes et vice versa » / Jour « où l’on parle des fins heureuses des amours tragiques » / Jour « où l’on parle de ceux qui agirent en amour avec libéralité ou magnificence » / Jour « où l’on parle de ceux qui évitent dommage danger ou honte par l’usage d’une prompte réplique. » Etc.

Éros et thanatos : pour oublier la peste en train de décimer Florence… quoi de mieux qu’une bonne histoire de fesses ?

En 2020 la peste noire a été remplacée par une pandémie de coronavirus. Et les cordons militaires pour interdire aux pestiférés de quitter la ville par une interdiction télévisée de sortir de chez soi. Pour la moitié de la population de la planète.

L’expression « mise en quarantaine » a été rendue caduque par « mise en quatorzaine ». L’injonction « restez chez vous bande de connards ! » par un mot approprié : confinement. Et les jeunes florentins de bonne famille commués en membres d’une association de cadres dirigeants parisiens sur le point de se rendre à un séminaire professionnel organisé dans l’abbaye de Loc Dieu.

A ceux « que rien ne retient » à Paris (enfants / fleurs à arroser etc.) il est proposé d’amener leurs conjoints. A l’arrivée la Présidente du Club s’emploie à organiser les soirées : les hommes s’occuperont des apéros / les femmes de l’animation en racontant des histoires…

Devinette : des histoires de quoi ?

Ill. L’époux-roi / le valet-amant / et la reine-de-cœur

Au hasard : des histoires de cul ! langage universel et tradition bien établie dans ce genre de réunions professionnelles aux soirées alcoolisées (très-très). A Loc Dieu on s’accorde sur « la règle de trois » : celle des jeux de cartes → l’époux-roi / le valet-amant / et la reine-de-cœur.

Ce qu’on appelle dans le langage courant un ménage à trois.

Situation coutumière et passage obligé dans la vie des « couples qui durent ». Ici pas question d’en faire un fromage. Comme dans les contes de fées… l’essentiel est que – pour la plus grande satisfaction des protagonistes – cela finisse bien !

Dans les romans libertins la bonne humeur est de mise.

Le dernier jour est réservé à une surprise de taille : au jeu des billes de verre blanches et noires…

À chacun de tirer ce qu’il souhaite de ce foudroyant récit : un simple amusement ou une terrible morale. Dans les deux cas j’aurai atteint mon but. Quant à vous… cher lecteur je vous souhaite tout le bonheur et toute la joie du monde.

À bon chat bon rat !